Que nous inspire cette teinte violette, poussée sur le devant de la scène par Pantone en 2022, sous les applaudissements de centaines de ses petits camarades un peu déçus, sagement alignés par rangées dans de leurs nuanciers ?

« Pourquoi c’est lui et pas moi d’abord ? », bougonne 123C, ce jaune solaire qui aurait tant aimé s’imposer comme couleur de sortie de crise. Tandis que 224C croyait en ses chances quand quelques milliards d’humains aimeraient tant voir la vie en rose après ces deux longues années toutes en nuances de gris.

Y’en aurait-il eu 50 d’ailleurs qu’on aurait volontiers parler d’un nouveau baby-boom, mais les chiffres sont têtus : les confinements successifs n’ont pas conduit Pantone à sortir un bleu layette ni un rose tendre. N’ont-ils pas osé, par peur d’une Woke Storm ? Des teintes « genrées », allons donc…

En 2021 c’est un beau rouge garance qui aurait pu s’imposer quand les statisticiens nous racontaient qu’en 2020 les ventes de vin étaient repartis à la hausse suivaient la courbe des journées confinées ou télétravaillées, mais non, le Pantone Institute nous avait servi, comme Ricard, un jaune.

Une communication tout en nuance…

Qui travaille dans le communication porte une attention affective à ce fameux nuancier en éventail que souvent nous cherchions dans plusieurs tiroirs ou placards, avant de finalement le trouver sous une pile de papiers d’un créa qu’on aurait bien envoyé sur les roses (220 à 275C) avant de nuancer nos propos.

On rejoignait un endroit plus discret pour ouvrir largement la gamme colorielle et ouvrir grands nos yeux sur ces centaines de couleurs, comme on aurait ouvert une grande boîte ronde métallique de Quality Street ! Les mieux équipés d’entre nous avaient accès au classeur de teintes dont on peut détacher ces petits rectangles pré-découpés pour les étaler devant soi et débattre de longues minutes sur la « couleur de la pelouse » (Cf. 99 francs).

Vous êtes plutôt « U » ou plutôt « C » ?

Qui était « de la partie » disposait non pas d’un mais de deux nuanciers : le Couché (ou « Brillant ») et ses teintes en « C » et l’Offset (le « Mat ») bien plus terne avec ses couleurs en « U » qui à côté du premier paraissaient éteintes.

Il y a fort fort longtemps, un client nous avait annoncé la couleur définitive de son nouveau logo, un grand rectangle bleu assez dense, qu’il avait définitivement exprimé en « 287 U » (U pour offset, donc texte assez terne). « Vous voulez dire 287 C ? » avions-nous osé, quand toutes les plaquettes de ce groupe immobilier étaient systématiquement imprimées sur un papier couché bien brillant, à grand renfort de vernis acrylique… Non, c’est bien la nuance « offset » en « U » qui avait été choisie en haut lieu, quand probablement le mauvais nuancier avait fini entre les mains de la puissante DirCom’ ! Et il avait fallu adapter nos créas et nos cromalins pour que, sur un papier couché, ressorte la teinte plus éteinte de ce fameux « U ». Ubuesque.

Jamais sans mon Pantonier !

Avec les années, les gammes se sont élargies, avec les Metallics, les fluos et autres nuanciers pastels. Le simple nuancier qu’on se passait de main en main a été remplacé par une mallette noire à la James Bond bien plus facile à identifier sur un bureau ! « On va prendre le bleu métallique, mais nous imprimons en quadrichromie si vous voulez bien ! » Oui oui bien sûr, on va faire comme ça !

Un violet lumineux, donc…

À défaut de soleil pour illuminer cette année, le Pantone Institute nous sert un magnifique bouquet de lavande ! À l’heure du télétravail et des lointaines maisons provençales, cette couleur qui plaira certainement à L’Occitane, s’inscrira dans les pulls et autres petits hauts, jupes et robes à porter en été.

Chez les hommes, Monsieur Violet (avec la clé anglaise dans la bibliothèque) ne sera pas forcément facile à porter, mais qui sait ? Ne voyait-on pas il y a 20 ans, les cadres élégants s’arracher des costumes Paul Smith doublés d’une soie bleue ou d’un violet soutenu ?

Violet, mauve et bleu et pourpre
et parabolique

C’est avec gourmandise que nous avons découvert — cette année encore ! — le légendaire argumentaire du Pantone Institute et donc on devine qu’il a croisé la route de Google Traduction avant d’être remanié par Les Inconnus. Morceaux choisis…

« Affichant une confiance insouciante et une curiosité audacieuse qui anime notre esprit créatif, curieux et intrigant [!] PANTONE 17-3938 Very Peri nous aide à embrasser ce paysage modifié de possibilités, nous ouvrant à une nouvelle vision alors que nous réécrivons nos vies. »Et oui, ce n’est pas rien !

« Ranimant la gratitude pour certaines des qualités que le bleu représente, complétées par une nouvelle perspective qui résonne aujourd’hui, PANTONE 17-3938 Very Peri place l’avenir sous un nouveau jour. »Vous reprendrez bien un petit shot ?

« Nous vivons une époque de changements. PANTONE 17-3938 Very Peri est un symbole de l’air du temps global du moment et de la transition que nous traversons. (…) Avec les tendances du jeu, la popularité croissante du métaverse [il fallait bien le placer, ce fameux metaverse] et la communauté artistique croissante dans l’espace numérique PANTONE 17-3938 Very Peri illustre la fusion de la vie moderne et la façon dont les tendances de couleurs dans le monde numérique se manifestent dans le monde physique et vice versa. »Et vice et versa ! On ne s’en lasse pas.

Cachez ce violet que je ne saurais voir !

Si cette année on vous sert du violet dans nos axes créatifs, soyez compréhensifs ! Nous serons sur des teintes furieusement tendance. Et comme toujours, nous partirons avec nos cartons à dessin sous le bras, fiers d’avoir partagé nos brillantes idées et nos projets léchés, avec ou sans violet.