26 août 2025

CULTURE GRAPHIQUE

Quand le caractère a du grain

Un visiteur pressé ne le verra pas toujours, mais pour un œil exercé, le spectacle est partout : dans l’équilibre des formes, dans les dialogues subtils entre majuscules et minuscules, dans l’impression que tout a été calibré… sans que rien ne paraisse figé. 

À quelques minutes de marche de l’agence Luciole, la Fondation Pinault a donné vie à la Halle aux grains, un restaurant-café niché sur la coupole de verre de l’emblématique Bourse de Commerce. Là-haut, les amoureux d’art et autres visiteurs curieux peuvent découvrir une cuisine de l’essentiel. Mais il n’y a pas que les assiettes qui se parent de raffinement : les lettres aussi y ont droit à leur moment de gloire. Ici, le branding typographique a été pensé comme une recette précise et délicate, où chaque élément sert à révéler une saveur.

Aujourd’hui, on vous démontre que la Halle aux grains, c’est aussi un marché de formes et de pleins et déliés.

Le caractère au menu

Le travail typographique réalisé pour la Halle aux grains par le studio Voiture 14, loin de la simple mise en page, est une véritable cuisine visuelle. On y retrouve cette exigence qu’ont les bons chefs : connaître parfaitement leurs produits, mais ne pas hésiter à les surprendre avec une touche inattendue. Chaque empattement, chaque espace entre les lettres, chaque “respiration” typographique ont été pesés comme un chef ajuste au gramme près ses ingrédients. 

Ici, pas de décorations superflues ni de surcuisson graphique : la matière typographique est respectée, travaillée juste ce qu’il faut pour en faire ressortir les arômes visuels. Le résultat ? Une identité graphique qui parle au cerveau autant qu’aux papilles : lisible, élégante, mais pleine de petits accidents heureux qui donnent du relief à chaque visuel, faisant de chaque support une partition parfaitement maitrisée de jolies notes typographiques.

Note du chef : les “pleins” et “déliés” désignent l’épaisseur variable des traits dans une lettre. Un peu comme le bon dosage des ingrédients pour qu’ils se subliment les uns les autres.

La typographie est un arôme subtil

La typographie, c’est un travail de fond. 
Souvent discret, il pourrait rappeler l’art d’assaisonner un plat : on ne remarque pas la pincée de sel parfaitement dosée, mais on sentirait immédiatement son absence. De la même manière, l’œil s’attarde sur un “R” légèrement ouvert, un “A” qui respire plus que ses voisins, des pleins et des vides qui structurent l’espace avec autant de précision qu’un plan d’architecte.

Et comme dans une bonne cuisine, la connaissance du produit prime. Chaque ajustement — un espace plus généreux, un alignement inattendu — agit comme une touche d’épice : subtile mais déterminante. Ce sont ces détails invisibles qui donnent son grain au texte — et qui font qu’ici, un simple menu peut devenir une pièce de design.

Note du chef : en typographie, l’“approche” désigne l’espacement global entre lettres, mots ou lignes. Comme la distance entre les ingrédients dans l’assiette : trop serré ça étouffe, trop écarté ça perd en cohérence.

Les accidents heureux

Chez Luciole, nous avons toujours aimé quand la lettre sort un peu du rang. Dans notre travail pour l’Institut Français, un simple “i” retourné avait suffi à créer la surprise. La Halle aux grains adopte cette philosophie : jouer sur de petits écarts pour éviter le conformisme, tout en restant lisible et élégant.

Ce sont ces « accidents maîtrisés » qui font sourire l’œil. Un contrepoids subtil, une chasse légèrement décalée, un alignement qui brise la symétrie attendue… Autant de gestes qui, en typographie comme en cuisine, ajoutent une note de personnalité sans jamais tomber dans l’excentricité injustifiée.

Note du chef : en typographie, la “chasse” désigne l’espace occupé par un caractère, y compris le vide qui l’entoure. C’est l’assiette choisie avec soin pour servir chaque lettre.

Un voisinage de goût

Avoir un lieu comme la Halle aux grains si près de l’agence, c’est un rappel quotidien : l’exigence n’est pas un luxe, c’est une nécessité quand on veut raconter une histoire forte. L’identité graphique y est au service du lieu, mais aussi du moment que l’on vit en son sein — et cela demande une main experte, capable d’orchestrer formes, espaces, rythme visuel.

Ce voisinage nous conforte dans notre conviction : un bon branding ne se contente pas d’être joli. Il doit être habité, pensé, cultivé… comme un bon plat qui ne se limite pas à sa présentation mais raconte aussi quelque chose du terroir et du cuisinier.

Note du chef : le “crénage” est l’ajustement précis entre deux lettres spécifiques. Un petit coup de fourchette entre un “A” et un “V” pour que tout se place harmonieusement.

Le mot de la faim

À la Halle aux grains, les lettres ont trouvé une recette à la hauteur de leur potentiel : un lieu qui célèbre le détail, l’élégance, et l’art de faire simple… mais bien. Et si parler typographie, branding et caractère vous ouvre l’appétit, vous savez où nous trouver.

Dans la même famille

[wp_social_sharing social_options="facebook,twitter,linkedin"]