8 septembre 2025

CULTURE GRAPHIQUE

L’art du cinéma

Au sein de l’agence, nous cultivons un amour pour la culture. Inspirés par l’esthétique autant que le sens, nous engageons notre curiosité proactive au quotidien pour déceler de la profondeur dans tout ce que nous voyons. Architecture, peinture, musique… Pour notre équipe parisienne, l’art est en ce sens une source inépuisable, une matière vivante que nous explorons avec passion. 

C’est donc naturellement que notre regard se pose sur un terrain d’expression souvent sous-estimé, 
mais ô combien fascinant : les génériques de films. Véritables œuvres à part entière, ces séquences d’ouverture — parfois fulgurantes, parfois contemplatives — condensent en quelques minutes une esthétique, une intention narrative, une promesse d’univers. Elles traduisent visuellement une identité, capturent l’essence d’un récit, et, lorsqu’elles sont brillamment conçues, elles marquent durablement 
la mémoire.

Parmi tous ceux qui ont façonné cet art singulier, un nom s’impose avec évidence — ou plutôt deux : Elaine et Saul Bass. À travers une sélection de leurs génériques les plus emblématiques, 
nous avons eu envie de revenir sur leur approche du design en mouvement, aussi audacieuse 
que structurée, et sur l’héritage graphique qu’ils ont laissé au cinéma comme au design contemporain.

« Design is thinking made visual » – Saul Bass

Icônes du design graphique et du cinéma, Elaine et Saul Bass ont marqué durablement l’histoire 
du générique. Pionniers du design en mouvement, ils ont su transformer ces quelques minutes d’ouverture en véritables manifestes visuels. À travers leur travail, on comprend comment un générique peut condenser l’identité d’un film, poser une ambiance, raconter une histoire — le tout avec une précision graphique rare. En tant que designers, impossible de ne pas les mettre à l’honneur : leur approche visionnaire résonne encore dans les codes du design contemporain.

Deux esprits, une vision

Elaine Makatura Bass, musicienne de formation et designer accomplie, insuffle au travail du couple 
une rigueur rythmique et une sensibilité au montage. Saul Bass, formé auprès du designer György 
Kepes (l’un des fondateurs de la Nouvelle École du Bauhaus de Chicago), puise dans les sciences humaines, l’architecture, la photographie et les avant-gardes pour concevoir des systèmes visuels cohérents et percutants. 

Ensemble, ils ont imaginé une forme hybride, entre cinéma, graphisme, publicité et narration, 
qui influencera des générations de motion designers.

Ouvrir un film, c’est déjà le raconter

Chez Elaine et Saul Bass, un générique d’ouverture n’est pas une simple formalité visuelle. 
C’est une déclaration d’intention. Une mise en condition. Pour eux, chaque seconde d’ouverture
 compte autant que le film lui-même : elle capte l’attention, prépare le regard, oriente la lecture. 
À travers leurs créations, ils transforment ce moment souvent ignoré en expérience à part entière, 
un sas d’entrée entre l’observateur et le récit.

Leur approche est foncièrement design : structure, rythme, composition, typographie, mouvement… Rien n’est laissé au hasard. Le générique devient une scène en soi, pensée comme un objet graphique vivant.

Du design en mouvement

On parle souvent de motion design comme d’une discipline récente, née avec le numérique. 
Pourtant, les Bass en ont posé les fondations dès les années 1950. Leur générique pour The Man 
with the Golden Arm (1955) en est l’exemple parfait : lignes brisées, typographies dynamiques, 
rythme syncopé. Tout est là. Déjà.
 

Leur signature repose sur une grille visuelle stricte, une esthétique minimale, et une capacité 
à faire parler les formes : cercles, traits, aplats de couleur… En les animant, ils insufflent une force émotionnelle et narrative rarement égalée.

Une science du signe

À chaque genre son langage graphique. Le générique n’est pas décoratif, il est sémantique. 
Dans Vertigo (1958), animé avec l’aide du pionnier John Whitney (considéré comme le père de 
la conception d’image assistée par ordinateur), les spirales hypnotiques révèlent dès les premières secondes le thème central du film : l’obsession. Le chignon, l’iris, les boucles infinies préfigurent 
la chute mentale du personnage. Le tout, soutenu par la musique lancinante de Bernard Herrmann.

Ici, le design devient une grille d’analyse : lecture anticipée du récit, 
psychanalyse visuelle, fil d’Ariane graphique.

Des genres redessinés

Western, thriller, comédie, drame romantique, film de braquage ou de science-fiction… 
Les Bass n’ont pas simplement créé des génériques iconiques : ils ont reconfiguré l’esthétique 
de chaque genre. Avec Spartacus, ils insufflent une monumentalité graphique au péplum. 

Avec It’s a Mad, Mad, Mad, Mad World, ils font entrer le cartoon dans le cinéma grand public. Dans Grand Prix, les split screens évoquent l’accélération du sport, avec une clarté visuelle inédite. Chaque fois, ils adaptent la grammaire graphique au langage du film.

La main dans la machine

Même au cœur d’une industrie dominée par les studios, le couple revendique un travail artisanal, 
presque tactile. Les papiers découpés, les collages, les dessins faits main sont omniprésents. 
Un refus du tout-technologique avant l’heure, et une volonté de préserver la singularité de l’humain dans le design.

C’est cette approche qui donne à leurs œuvres une âme, une texture. Dans Casino (1995), 
leur dernier générique, les flammes reviennent comme un motif récurrent, organique et symbolique 
— dernier hommage à une carrière qui brûle encore les rétines.

Une leçon d’identité visuelle

La force des Bass, c’est aussi d’avoir compris, avant tout le monde, que le générique est une extension de l’identité visuelle du film. Saul Bass était souvent chargé de concevoir l’affiche, 
les titres, le générique… et ce jusqu’au mot “Fin”.
 

En bref, ils avaient une vision holistique de la communication visuelle, qui préfigure le branding moderne. Ils traitaient chaque film comme une marque à part entière, avec sa charte graphique, ses codes, ses symboles.

Designers de cinéma

Plus que des graphistes, Elaine et Saul Bass sont des designers de cinéma. Leur rôle dépasse 
largement le générique : ils conçoivent des storyboards entiers, proposent des idées de montage, influencent la photographie. Sur Psychose, Saul dessine la célèbre scène de la douche ; 
sur West Side Story, ils construisent un pont visuel entre la musique, les décors et les titres.


Leur œuvre, à la croisée de plusieurs disciplines, est un manifeste pour une approche interdisciplinaire du design. Un cinéma pensé comme un tout, où le graphisme n’est jamais accessoire, mais structurel.

Une modernité brûlante

Qu’on parle de leur travail pour des réalisateurs comme Hitchcock, Preminger, Frankenheimer, Scorsese ou même pour des entreprises comme AT&T ou United Airlines, la modernité des Bass est toujours là : sobre, radicale, intelligente. Et surtout, engagée. Derrière les formes, il y a des idées. Derrière les compositions, des convictions. Derrière chaque générique, une réflexion sur l’époque, la société, la mémoire, le regard.

Pourquoi on vous en parle aujourd’hui

Parce qu’à l’ère du streaming et du Skip Intro, il est plus que jamais vital de reconnaître la valeur d’un bon générique. De le voir non pas comme un préambule, mais comme un espace d’expression complet, cohérent, signifiant.

Elaine et Saul Bass nous rappellent que le design n’est pas un habillage. C’est un regard, une façon de dire le monde. Et dans le cas du générique, c’est aussi une promesse : celle d’une expérience qui commence, et qui mérite d’être introduite avec soin. Et cette approche, chez LUCIOLE, est applaudie.

Dans la même famille

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