C’est une chose d’hésiter de longues minutes devant la carte des cocktails, entre un Mojito passé de mode, un Spritz trop orange ou une piscine de rosé dont on craint les effets, l’important est de savoir ce que l’on boit !
Si on devait évoquer l’origine d’une boisson qui a traversé les siècles sans qu’on puisse en dévoiler la secrète recette ni le dosage précis des ingrédients qui la composent, on penseraitnaturellement à cet élixir à base de feuilles de coca dont le marketing de la »Worldwide Company » nous sert cette légende depuis notre naissance.
Ce n’est donc pas de Coca Cola qu’il s’agit, puisque la potion dont il est question est née plus d’un demi-siècle avant le non moins légendaire cola et en des termes assez similaires. À se demander qui a inspiré l’autre en termes de « story telling » !
L’histoire au shaker
Angostura, cette fameuse petite bouteille que tous les barmans ont sous la main et dont ils seraient bien à la peine si elle venait à leur manquer, tant son indispensable amertume accompagne l’immense majorité des cocktails qu’on leur commande, est une légende derrière les bars.
Née en 1824 dans la ville dont elle porte le nom, entre les mains talentueuses de Johann Gottlieb Benjamin Siegert, docteur en médecine auprès de Simon Bolivar, à une époque où les noms étaient encore très longs, l’expérimentale recette médicinale fut d’abord destinée aux soldats pour leur permettre de lutter contre de terribles fièvres et autres maux de ventre…
Le fameux « amer » du bon docteur produisant des miracles, nombreuses sont les fioles à avoir embarqué sur les bateaux de passage, d’abord pour lutter contre le mal de mer des marins, puis plus tard pour alimenter les cours européennes toujours en quête de nouveautés, fussent-elles exotiques.
La demande dépassant très vite l’offre, le bon docteur créa les années suivantes une bonne vieille start’up comme on n’en faisait pas et à laquelle il associa son fils Don Carlos, qui contribua à faire exploser les ventes. Quelques fonds de pensions plus tard et autres mouvements capitalistiques qu’à cette époque on désignait autrement et après une expansion de feu sur tous les continents,
la famille perdit la main, pour le rependre 40 ans plus tard.
Déclarée fournisseur officiel de la couronne britannique sous George V, la société connut alors une expansion internationale à partir de son nouveau siège installé à Trinidad et Tobago, avant même qu’il ne s’agisse d’un paradis fiscal.
Les descendants firent fortune, eurent beaucoup d’enfants et vécurent certainement très heureux, sans que nous ne disposions de plus de détails, en dehors d’une diversification dans le rhum dont on reconnaîtra – dans les bonnes maisons – la bouteille de « 1919 », également testée et approuvée.
Une goutte de design
Si on devait tenter de parler de « design de marque » autour de cette jolie petite histoire, tout au plus pourrions-nous rattacher à celle-ci cette étonnante étiquette dont la hauteur ne colle pas (du tout) avec la surface de la petite bouteille à laquelle elle est destinée !
Pour qui en possède une – et généralement on la conserve plus de 10 ans avant d’en avoir puiser la dernière goutte – c’est une particularité du packaging qui ne laisse pas indifférent !
Quelques puristes ou historiens nous raconteront que le bon docteur tenait avant tout à faire figurer sur ladite mignonnette toutes les recettes et plats auxquels l’amer breuvage pouvait être associé. Nous les écouterons religieusement, tout en « testant » quelques associations avec divers alcools pour nous assurer des légendaires vertus de ce mystérieux mélange d’herbes.
Si un soir prochain on vous reproche de commander à nouveau un Américano ou un Manhattan, vous saurez quoi répondre ! Car maintenant vous savez que cet Angostura qui compose l’un et l’autre est une « saine boisson », aux vertus médicinales. CQFD.