Le Beaujolais Nouveau arrive !
Le Beaujolais Nouveau arrive ce jeudi 15 novembre avec la promesse de passer comme chaque année une soirée conviviale, entre amis ou en famille, souvent autour d’une petite cochonnaille, dans un bar certainement habillé aux couleurs de cette grande messe française, mais pas que !
Plus célébré encore au Japon (1er importateur de Beaujolais Nouveau) ou en Corée du Sud, qui ont la primeur de le déguster avant les Français grâce au jeu des fuseaux horaires, et où parfois l’on retrouve pour les plus extravagants, des convives directement baignés dans une piscine de ce vin précieux, le Beaujolais Nouveau, au goût plutôt léger et délicat comme un Brouilly, consacre près de la moitié de sa production à la commercialisation à l’étranger, dans 110 pays, et particulièrement en Asie et aux Etats-Unis.
Comment expliquer un tel engouement pour un vin primeur, qui se conserve peu et de fait n’offre pas la plus grande qualité ou profondeur gustatives, mais a su créer un rendez-vous annuel (le 3e jeudi de novembre, depuis 1985) et une véritable tradition, son lancement étant progressivement devenu synonyme de premières dégustations de l’année et perçu collectivement comme une occasion de se retrouver autour d’un verre ?
Le vin est-il un objet de communication comme un autre ?
Au regard du marketing et de la communication efficaces et léchés du Beaujolais Nouveau, avec sa campagne « #ilovebeaujolaisnouveau » ou encore son site « Nouveau by Beaujolais », qui met aux nues le concept de « nouveauté » et consacre de nombreux contenus sur la New food, la New pop culture, les nouvelles playlists et les lieux « trendys », autrement dit de nouveaux lieux branchés à découvrir, nous pouvons que répondre par l’affirmative, malgré la loi Evin et consorts qui souhaiteraient limiter la promotion de sa consommation.
Le vin est un produit marketing comme un autre, potentiellement « tendance », ou bien le plus souvent en France, attaché au patrimoine et au terroir.
Dans notre culture, où la consommation peut pour les plus initiés et les plus fins connaisseurs s’ériger comme un art séculaire et où des ateliers de dégustations et d’œnologie fleurissent un peu partout dans nos villes ou se découvrent directement au domaine, le choix du vin sera essentiellement porté sur les grandes régions viticoles, les AOP, les vignobles et les millésimes.
Nos étiquettes, plutôt « classiques », refléteront une image très appréciée des Américains et des Chinois (premiers importateurs de vin français) et véhiculeront une certaine idée de l’art de vivre à la française, entre sophistication et tradition, discussion animée et conversation entre gens de bonne compagnie, philosophie et ivresse où le temps s’égrène jusqu’à la tombée de la nuit.
Par l’étiquette, le marketing et la communication vont chercher à marquer des différences pour créer des préférences d’achat, en magasin, directement sur le linéaire. Les étiquettes de vin vont signifier et raconter une histoire, projeter un moment de festivité ou illustrer des moments plus solennels. Consommés hors de nos frontières, elles vont même répondre à de nouveaux modes de consommation.
Dans les pays du nouveau monde
Si en France, nous choisirons plutôt un vin selon la région, en imaginant ses sols et sa lumière, son climat et son savoir-faire, ailleurs, le choix sera plutôt basé sur son cépage et sur une étiquette qui laissera entrevoir le caractère du nectar et surtout l’état d’esprit plus ou moins « cool », « hype », « fun » ou « sophistiqué » avec lequel on souhaite le boire.
Ces drôles d’étiquette dévoilent une autre facette de la consommation, mais dénotent aussi d’une belle créativité, où la culture de l’image et des arts modernes sont plus prégnants.
Nouveau terrain de jeu des designers, les étiquettes vont sortir de l’imagerie classique, en entrant dans la sphère du graphisme ou l’univers de la typo, affichant des illustrations artistiques ou des dessins dignes des comics, jouant avec le code pop, décalé et détourné.
Exit châteaux et coteaux, vive le design !
Nouveaux pays, autres cultures, nouvelles générations, le design traditionnel des bouteilles mêmes va être bousculé par le pragmatisme et l’individualisme anglo-saxon et la culture de l’apéro et du pique-nique !
Qui imaginerait en France, boire du vin en godet ?
Ou bien en canette comme l’on boirait une bière ?!