Au Carreau du Temple s’est tenue jusqu’à dimanche la 11e édition du salon du dessin contemporain.
72 galeries internationales se sont prêtées au jeu pour présenter une sélection de leurs œuvres et c’est avec plaisir que nous avons déambulé vendredi dernier parmi les stands tendus de tissu et dont le regard passait d’une œuvre à l’autre…
Nous y avons vu de jolies esquisses et des œuvres plus travaillées encore, pour certaines suffisamment abstraites et contemporaines pour en perdre l’idée même de « dessins ». À l’image de ce splendide travail de découpe « au bistouri » de sacs de maisons de luxe, dont les effets d’ombres et lumière projettent le spectateur dans une vibrante scénographie d’une rare poésie.
Qui dit dessin dit… design
Nous retiendrons néanmoins — et quel réconfort ! — que le dessin occupe une place toujours aussi prépondérante dans nos métiers car il est ce croquis qui fige l’idée avant qu’elle ne s’envole.
Car derrière chaque logo, chaque stand, chaque « belle page » et autres concept graphiques, l’œil et la main dessinent sans cesse, pour mieux accompagner la machine — Apple, évidemment — qui n’est pas d’une grande aide lorsqu’il s’agit de créer au sens noble du terme [du latin creare : donner l’existence à quelque chose en le tirant du néant], l’ordinateur n’étant que l’outil, au même titre que le crayon à mine ou le Bic !
Et c’est d’ailleurs bien ainsi que nous formons nos créas à l’agence ! Si par erreur ils succombent trop vite aux bras de la fée Adobe avant de réfléchir avec un crayon, un stylo ou une souris à la main (qu’importe !), nous les incitons à « donner du sens » à leur recherche, une faculté que seul le cerveau développe… — n’en déplaise à Photoshop, InDesign et Illustrator réunis et qui ne sont pas (encore ?) dotés l’intelligence artificielle — et que la main prolonge !
La création sera-t-elle artificielle ?
L’A.I (ou I.A en français) dont on parle de plus en plus sera-t-elle dans les prochaines années amenée à créer sans l’aide d’un designer ou d’un cerveau humain ? Sur la base d’un bon brief — pour qui saura encore les écrire ! — rentrer dans un formulaire à champs multiples, avant que la machine ne crache une reco toute faite ?
Il ne restera à l’agence qu’à enrober cette production automatisée de pixels dans un beau discours pétri de sincérité et gonflé d’honoraires, à moins que nos prochains Mac nous fournissent aussi cela ?
Les clients se passeront d’agence et téléchargeront pour les plus connectés d’entre eux (mais qui ne l’est pas aujourd’hui ?) l’appli « Strat & Design » sur le Store pour disposer en quelques minutes et en images du résultat de leur « expression de besoin ». Ni brief, ni Prez, les journées de l’annonceur seront optimisées à souhait. De la qualité de la relation agences on ne parlera plus, puisqu’elles auront disparu !
Soyons sérieux…
Pro du Mac ou du PC, c’est une chose, et c’est une qualité appréciée chez un développeur ou un bon exé. Mais ce n’est pas l’unique ni la première qualité recherchée chez un designer talentueux ni dans une agence créative.
Mainte fois enseigné dans les (meilleures) écoles d’art, le processus créatif est la base de toute réflexion digne de ce nom, pour qui veut livrer des projets de qualité ! Il est cet élément indispensable à la réflexion (créative) dont on ne saurait manquer et dont on prend le plus grand soin, en l’entrainant quotidiennement comme on se prépare au marathon.
Qu’importe le flacon pourvu qu’on est l’ivresse ! Il faut donc chaque jour alimenter la « machine à créer » en la nourrissant d’images et d’idées : c’est sur Pinterest, Facebook ou dans de vraies bibliothèques avec de vrais livres d’images (celle de Luciole mérite le déplacement) que nos graphistes et DA puisent chaque jour leur inspiration et nourrissent leur imaginaire. Comme ils fréquentent les expositions et autres lieux inspirants, pour mieux se renouveler et inventer demain une nouvelle écriture, un nouveau « dessin ».
C’était le sens de notre visite à Drawing Now dans des conditions privilégiées, à l’invitation du papetier INAPA. Qu’il soit ici remercié.